Pourquoi il est essentiel de parler de matrescence?

Publié le 16 mai 2025 à 11:43

Il y a une raison profonde pour laquelle je choisis, encore et encore, d’éduquer les personnes qui donnent naissance et leurs proches  sur la matrescence.
Parce que ce mot, encore trop méconnu, renferme une réalité vécue par des millions de parents, souvent dans le silence, souvent dans la solitude.

La matrescence, c’est cette période de bouleversements physiques, émotionnels et identitaires que l’on traverse lorsqu’on devient parent. Ce n’est pas simplement une adaptation. C’est une véritable transformation. Une transition intense, parfois douce, parfois violente, entre l’ancien soi et le nouveau.

 

 

Mettre des mots sur ce qu’on vit

Quand j’ai entendu le mot “matrescence” pour la première fois, j’ai eu l’impression que quelqu’un venait, enfin, de nommer ce que je vivais. Ce mélange d’amour débordant, d’épuisement profond, de doutes constants, et ce sentiment de ne plus me reconnaître complètement.

Comprendre ce que l’on traverse, ce n’est pas intellectuel, c’est profondément guérisseur. C’est ce qui permet de mettre de la clarté dans le flou, de la tendresse dans l’auto-jugement, et surtout… de la normalité dans un vécu souvent perçu comme « trop ».

Ce que la science nous dit

Et si on regardait les faits concrets, qu’on évoque trop rarement ?
– Il faut environ 6 mois pour que les cicatrices internes (qu’elles soient visibles ou non) guérissent.
– Environ 12 mois pour récupérer physiquement d’un accouchement.
– Jusqu’à 2 ans pour que les hormones se régulent pleinement.
– Et parfois 5 ans ou plus pour se réapproprier son identité.

Ce n’est pas faible, ni exagéré, de se sentir chamboulé·e après la naissance. C’est physiologique, émotionnel, hormonal, et identitaire.
C’est humain.

Une crise identitaire... et une renaissance

La matrescence, c’est une sorte de crise identitaire initiatique.
On change de rôle, on change de rythme, on change de centre de gravité.
Ce qu’on aimait, ce qu’on croyait, ce à quoi on aspirait — tout est remis en perspective.
Et en parallèle, on doit répondre aux besoins d’un·e petit·e être entièrement dépendant·e, parfois sans sommeil, sans village, sans repères.

C’est un passage puissant, bouleversant… mais profondément normal.

Se libérer des attentes patriarcales

Vivre sa matrescence, c’est aussi oser remettre en question les normes sociales et patriarcales profondément ancrées dans notre manière de concevoir la parentalité.
C’est se défaire de cette idée qu’un bon parent — souvent, une bonne mère — doit tout faire, tout gérer, tout sacrifier, sans se plaindre.

C’est reconnaître que le modèle dominant d’un parent dévoué jusqu’à l’oubli de soi ne sert personne. Ni les enfants. Ni les familles.
C’est reprendre du pouvoir sur son propre rôle, créer de l’espace pour ses besoins, ses émotions, son individualité.

La matrescence nous invite à réinventer le rôle parental. À le rendre plus libre, plus nuancé, plus humain.

Et cela demande du courage.
Courage de dire non à la charge mentale invisible.
Courage de demander de l’aide.
Courage de nommer ses limites.
Courage de se choisir, aussi.

Ce que la société oublie (ou tait)

La société glorifie souvent la maternité ou la parentalité : l’image de la mère radieuse, du couple comblé, du bébé qui dort paisiblement.
Mais elle tait tout ce qui rend ce passage si humain : la fatigue extrême, les doutes identitaires, la charge mentale, les tensions relationnelles, les deuils invisibles.

Et pourtant, reconnaître ces défis, c’est ouvrir un espace de compassion.
C’est dire aux parents : « Tu n’es pas seul·e. Ce que tu ressens est valide. »
C’est aussi revendiquer des soutiens essentiels :
– Des congés parentaux plus longs et inclusifs
– Des accompagnements psychologiques postnataux
– Des espaces de parole entre parents
– Des soins respectueux, centrés sur la personne

 

Prendre soin de soi, c’est prendre soin de nos enfants

On souhaite le meilleur pour nos enfants.
Mais cela commence par nous offrir, à nous aussi, de la douceur, du temps, du soin, du respect.
Ce que l’on vit comme parent mérite d’être reconnu, soutenu, honoré.

Éduquer sur la matrescence, c’est une urgence.
C’est contribuer à créer une culture du soin, de la solidarité, de la compréhension.
C’est aussi militer, en douceur, pour un monde où le rôle de parent peut s’exercer librement, sans pression d’être parfait·e, sans injonction de se sacrifier.

Parce qu’au fond, chaque naissance est aussi celle d’un être en devenir.
Et chaque parent mérite d’être accueilli·e dans cette transformation avec respect, soutien et amour.

Avec amour, Cybel

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